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Publié en octobre 2014
Il y a 15 ans, mes enfants étaient alors âgés de 3 et 6 ans, j’ai été initiée à la « Discipline Positive ». Jusqu’alors, on ne m’avait guère parlé de mon rôle de mère qu’en termes de devoir. Mes enfants se devaient d’être « bien élevés », propres, sûr d’eux, naturels… A leur naissance, puis dans leurs premières années, j’ai surtout suivi mon désir de partager des moments de joie, de découverte, de créativité, de complicité. Je laissais alors à mon mari le soin de leur donner des limites. Mais très vite, nous nous sommes chacun enfermés dans un rôle, d’autoritarisme pour lui et de permissivité pour moi. Nos chemins s’éloignaient et nos enfants devenaient otages de notre désaccord croissant.
Je voulais être une mère parfaite - sans savoir vraiment ce que la perfection signifiait. J’avais une image idéale de mes enfants, image qui se heurtait quotidiennement à la réalité. Leur comportement devenait de plus en plus inapproprié et irrespectueux. Je commençais à me sentir coupable de ne pas « bien faire » ; mes enfants se sont alors emparés de ma culpabilité et ont joué d’elle, et de moi. Il était temps de remettre de la cohérence et de la structure dans mon rôle de mère.
Nous vivions alors aux Etats-Unis et j’ai commencé des ateliers de « parenting » (accompagnement parental). J’y ai rencontré des parents « normaux » qui, comme moi, vivaient leur rôle de parent dans un mélange de bonheur et de frustration. J’ai été accueillie dans un lieu où je me suis sentie autorisée à dire mes doutes et mes déceptions. Et quel soulagement lorsque j’appris que les parents parfaits et les enfants parfaits n’existaient pas !
Pendant trois ans j’ai suivi des ateliers et des conférences de « Discipline Positive », qui m’ont aidée à définir ma place dans la famille et à permettre à chacun de prendre la sienne. Notre couple a commencé à trouver un langage commun face à nos enfants et l’atmosphère familiale en fut fortement apaisée. J’ai approfondi ma formation et ai, à mon tour, accompagné des parents, les ouvrant à un nouveau mode de compréhension et de communication avec leurs enfants.
La Discipline Positive est une approche éducative inspirée des principes d’Alfred Adler, médecin psychothérapeute autrichien (1870-1937), fondateur de la Psychologie Individuelle. Il croyait à la prévention des troubles psychologiques par l’éducation. Dans l’accompagnement des parents, j’utilise aujourd’hui également l’approche de la Psychosynthèse de Roberto Assagioli, qui met l’accent sur la conscience, la volonté et la responsabilité.
Une approche trop autoritaire induit chez l’enfant un refoulement de la colère, diminue son estime de lui-même, lui retire sa capacité à prendre des initiatives et le rend dépendant d’une autorité extérieure. Dans une approche trop permissive l’enfant se fixe difficilement un but à suivre et une action à terminer ; il est la proie de ses propres impulsions, et ne développe pas d’autodiscipline. En réalité, la question centrale de l’éducation est l’intégration d’un système de valeurs, qui permettra à l’enfant de développer l’auto-régulation de ses impulsions et l’autodiscipline dans son comportement, avec une intervention décroissante de l’adulte. Une véritable éducation ne vise pas le contrôle de l’enfant par une motivation extérieure, basée sur la punition ou la récompense ; elle ambitionne la mise en place chez l’enfant de sa propre motivation intérieure. Celle-ci se base, d’une part sur la connaissance et la confiance en ses capacités et qualités personnelles, et d’autre part sur le développement du courage, c’est à dire l’aptitude à maintenir son estime de soi au-delà de ses erreurs. Dans leur communication, les parents passent ainsi du « Je suis fier de toi ! » à « Tu dois être fier de toi ! ».
Cette éducation se met en place au jour le jour par des actions simples, concrètes et réalisables. Dans les ateliers d’accompagnement parental, les parents apprennent à comprendre le comportement de leur enfant et à y répondre de manière adaptée, en gardant toujours à l’esprit les valeurs qu’ils désirent leur transmettre. Des exercices de mises en situation et des analyses de comportements aident les parents à acquérir peu à peu de nouveaux outils et surtout de nouvelles compétences. Dès les premières semaines, les parents retrouvent le plaisir de vivre une relation apaisée et une disponibilité à vivre l’instant présent. Ils se sentent encouragés et deviennent encourageant ; un moteur essentiel du changement étant l’encouragement.
Nos enfants sont en interaction étroite avec nos espoirs, nos doutes et nos culpabilités. Leur comportement est souvent une réponse à ce que nous vivons ou ressentons, parfois inconsciemment. S’arrêter un instant et repenser notre relation à nos enfants, en présence d’autres parents et de professionnels de l’éducation, nous aide à nous dégager de nos doutes et permet d’en libérer la relation. Une mère m’a dit : « J’ai réalisé et accepté que je ne pouvais pas aimer mes enfants tous de la même manière, mais chacun différemment selon sa personnalité. Depuis ce jour, mes enfants ne sont plus en concurrence pour accaparer mon attention. Ils ont intégré ma découverte, sans que j’aie eu besoin de leur en parler ! ».
Eduquer, c’est accompagner un enfant dans sa croissance en tenant compte de ses besoins de base : se savoir aimé de manière inconditionnelle, appartenir à la famille et à un groupe social, et avoir le sentiment d’y contribuer. L’enfant parle à travers son comportement. Nous, parents, répondons plus facilement à ses actions qu’à sa demande et à ses besoins réels sous-jacents. Nous réagissons, plus que nous n’agissons. La Discipline Positive nous aide à décoder les comportements inappropriés, à identifier les besoins réels de nos enfants et à adapter nos réponses.
Les enfants développent leurs compétences en expérimentant la vie à l’intérieur d’un cadre qui les sécurise et les guide. Ce cadre est posé par les adultes, il est non négociable et adapté à l’âge. Il doit être clairement expliqué à l’enfant, dans un climat de respect. C’est à l’intérieur de ce cadre qu’il fait l’apprentissage de sa liberté, grâce aux choix qu’il pose. L’adulte l’encourage à poser des choix (adaptés à son âge) et à en comprendre et en assumer les conséquences.
Un dialogue ferme et bienveillant développe le respect et la confiance à l’intérieur de la relation parents-enfants. Un enfant qui se sait écouté et non jugé, dans ses besoins et ses sentiments, est plus apte à communiquer et, à son tour, à écouter les adultes. Dans cette relation ferme et bienveillante, il fait l’expérience de la frustration, se sent autorisé à l’exprimer et développe le courage de la dépasser.
La Discipline Positive et la Psychosynthèse m’ont donné une vision à long terme de l’éducation, en m’aidant à poser mes valeurs au centre de mon projet parental. Mon horizon s’est ouvert, à un moment où les préoccupations et l’organisation du quotidien, avec deux enfants en bas âge, ne me permettaient pas d’anticiper mes actions au-delà d’une semaine. Cette ouverture a apaisé mes inquiétudes et m’a aidée à prendre du recul. J’ai repris confiance en moi, et surtout j’ai pu développer ma confiance envers mes enfants.
Mes enfants ont aujourd’hui 18 et 21 ans. Comme tout jeune adulte, ils traversent des moments d’incertitude face à leur avenir, mais ils connaissent leur capacité et leur courage à faire face à l’adversité. Ils savent qu’ils doivent prendre leur place dans le monde d’aujourd’hui et, pour cela, poser des choix répondant autant aux impératifs de la réalité, qu’à leurs besoins et désirs personnels profonds.
Bibliographie
Jane Nelsen, La Discipline Positive, Ed du Toucan, 2012